Et c'est d'autant plus compliqué quand on a pas suffisamment guéri sa propre enfance.
Je suis en train de relire le livre d'Isabelle Filliozat : Je t'en veux, je t'aime Ou comment réparer la relation à ses parents.
Je compte consacrer un article entier à ce livre.
Pour le moment, j'en suis encore à beaucoup réfléchir à la relation avec mes propres parents.
Il y forcément beaucoup de choses qui me parlent vraiment dans le livre de Filliozat, comme le fait que la relation parent/enfant est en soi très éprouvante car l'un et l'autre évoluant, la relation aussi est amenée à évoluer et pour permettre à une relation d'évoluer harmonieusement, il faut une sacrée sécurité intérieure ! Ce qui n'est pas inné!
Je reste persuadée qu'on ne peut pas être un parent efficace, aidant,
sans être d'abord un adulte conscient, équilibré, responsable, heureux.
Je ne parle pas de cette apparence de responsabilité qu'on voit chez des couples qui savent gérer une maison, un budget, une scolarité. Je parle de la responsabilité de tous nos actes, nos comportements, nos attitudes, nos paroles vis à vis de nos enfants.
Chaque parent a son histoire, elle l'a façonné. Si il ne se comprend pas lui-même, si il ne se connait pas lui-même, si il n'a pas d'empathie, de bonté, de bienveillance envers lui-même, son rôle de parent va en pâtir ! Car oui, on peut donner ce qu'on a pas reçu, seulement cela demande des prises de conscience, de regarder le passé bien en face, tirer une conclusion et chercher les outils nécessaires pour avancer !
Cela demande du temps, de l'énergie et surtout du courage car cela nous force à sortir de notre zone de confort, remettre en cause nos croyances sur nous-mêmes et sur nos parents. Croyances qui se sont formées à l'âge tendre, un âge où on n'avait pas toutes les clés pour comprendre réellement, pour prendre du recul. Ces croyances sont parfois très limitantes et nous empoisonnent la vie sans qu'on en ait conscience. Ces croyances n'ont pas été forgées volontairement ni par nous, ni par nos parents, simplement c'est la seule explication que notre cerveau ait trouvé à ce moment-là avec les éléments dont il disposait pour donner un sens et permettre notre survie psychique.
Exemple : Aujourd'hui un jeune homme de 25 ans peine à s'envoler du nid, peine à garder un emploi, peine à tisser des amitiés et des relations amoureuses solides. Pourquoi ? Parce depuis sa naissance, sa mère fait toujours tout pour lui, le surprotège, anticipe ses moindres désirs (pas seulement ses besoins !). Dès qu'il quitte la maison pour quelques heures, elle le harcèle littéralement sur son portable, elle ne veut pas qu'il apprenne à conduire, trop dangereux ! Elle s'arrange pour l'amener partout et quand elle ne peut vraiment pas, il prend les transports en commun.
Ce jeune homme, n'a pas la confiance en lui nécessaire pour se lancer dans la vie et aller vers les autres, comme on a toujours tout fait pour lui et amplifié les dangers, il se croit incapable, profondément incapable. Depuis tout petit, il s'est construit la croyance que sans sa mère, il ne peut rien faire, il est complètement dépendant à un âge où il serait normal d'être très autonome. Comme tout petit, il n'avait pas la maturité pour comprendre que sa mère a un besoin presque maladif de se sentir utile, qu'elle est tellement angoissée qu'elle a besoin de tout contrôler, il a donné du sens comme il a pu, construisant une croyance qui le limite encore dans sa vie d'adulte.
En en prenant conscience et en se donnant des occasions quotidiennes de se sentir capable, il finira par réparer les dommages et prendre son envol.
C'est bien cela le message encourageant du livre d'Isabelle Filliozat :
on peut toujours réparer !
J'avoue moi-même avoir des sentiments assez ambivalents vis-à-vis de mes parents, et là aussi je me suis beaucoup retrouvée dans certaines phrases de Filliozat qui évoquent le manque d'authenticité et la superficialité de certaines relations familiales. Certains pensent que parce qu'on est une famille, on ose se dire ce qu'on ressent, ce qu'on souhaiterait ; qu'en famille on se montre nos vrais visages, authentiques. La vérité c'est que bien souvent, on est cantonnés dans des rôles, et sous le couvert de politesse et de respect en fait, on est tétanisé par le risque de perdre l'amour, l'estime, l'admiration de ses proches.
Communiquer vraiment et de façon non-violente, on ne l'apprend pas à l'école et c'est bien dommage, nos parents non plus ne l'ont pas appris, savent-ils seulement que cette approche existe ?
Pourtant, quand chacun a peur et porte un masque, cela ne s'appelle pas une relation harmonieuse et nourrissante, cela s'appelle un bal masqué triste et désolant.
Moins on parvient à se parler de nos émotions, ressentis, plus il y a de malentendus et plus on s'éloigne les uns les autres.
Pour parler vrai, il faut se connaître, et s'aimer suffisamment, avoir une solide sécurité intérieure. Alors on trouvera le mot juste, le ton juste et l'autre ne se sentira pas agressé, il pourra accepter la responsabilité de ses actes, reconnaître notre vécu et trouver les mots qui répareront la relation.
On me disait qu'il n'est pas juste d'en vouloir à quelqu'un qui nous blesse par ignorance. Je me disais que tout dépend de la profondeur de la blessure et du passif qu'il y a dans la relation. Ce qui, pour moi, est insupportable c'est de nier le ressenti de l'autre et de le blâmer pour sa réaction contre l'action, les paroles, comportements qu'on a soi-même posé.
Une petite histoire africaine illustre bien cela, je l'ai déjà évoquée il me semble : celui qui blâme l'éléphant qui a écrasé tout un village ne devrait pas oublier l'aiguillon qui d'abord l'a piqué !
Ce pourquoi, pour moi, en vouloir à un enfant devenu adulte de la façon dont il traite et considère ses parents, c'est oublier totalement la façon dont les parents l'ont traité et considéré depuis sa naissance. Si les parents ont laissé un mode de fonctionnement s'installer dans la relation, si même par ignorance, ils lui ont fait du mal, ils ne devraient pas s'étonner du résultat !
Blâmer l'enfant est profondément injuste, car la responsabilité de la relation revient au parent ! C'est au parent qu'il incombe de comprendre l'enfant, de combler ses besoins affectifs, de l'aider à se débarrasser de ses défauts, de lui apprendre à gérer ses émotions d'une façon efficace. Tout cela est du ressort du parent et non de l'enfant, blâmer l'enfant c'est refuser sa propre responsabilité et se poser en victime.
Il est humain de faire des erreurs, la première chose pour arrêter de les répéter et ramener la paix est de les reconnaître et de demander pardon.
Tant qu'on est persuadé d'avoir agi comme il fallait, en minimisant l'impact de ses erreurs avec des "tu n'en es pas mort", "tous les parents agissent ainsi", "ton frère ne réagit pas comme toi", "je me suis tellement sacrifié, quelle ingratitude!" Aucune harmonie ne prendra place dans la relation.
Un petit enfant peut comprendre que papa/maman soit fatigué et crie pour un rien sans se forger de croyances négatives sur lui-même pour autant qu'on lui dise : "Ce soir je suis fatigué, en colère, ça n'a rien à avoir avec toi, mais la moindre bêtise de ta part pourrait m'énerver très fort alors s'il te plait, laisse moi en paix."
Un enfant adulte peut comprendre que son parent a sa propre histoire, ses propres limites pour autant qu'on accueille son ressenti. Il n'est pas question ici de bien et de mal, de raison et de tort, il est question d'accueillir le point de vue de l'autre sans jugement, sans réaction défensive, de se sentir responsable mais pas nécessairement coupable.
Car si il est normal d'endosser la responsabilité de nos actes, on peut aussi être bienveillant et honnête envers soi-même en admettant qu'à ce moment précis de notre vie, nous n'avions pas les ressources, la maturité, les connaissances, le soutien pour agir autrement. C'est regrettable, et en même temps comme on ne peut changer le passé, on peut juste décider de faire mieux à l'avenir.